
L’article présenté ici est constitué d’un matériau qui se trouve sur notre site depuis le début de notre périple. Nous avons cependant voulu l’organiser en un seul document afin qu’il puisse être téléchargé et imprimé pour mieux le lire.
Dans ce texte illustré, nous décrivons les aspects essentiels du projet Delta de Maya, quoique de manière très brève et superficielle car chacun d’entre eux pourraient être déployés dans un grand nombre de directions différentes, toutes vastes et fascinantes. Nous avons l’intention de publier les résultats de ce que nous parviendrons à rassembler et ordonner à propos de toutes les questions qui font l’objet de notre attention et de notre étude. Par notre aventure, nous cherchons à connaître et à faire connaître l’héritage thésaurisé en ce territoire au fil des millénaires. Nous sommes convaincus que cela contribuera, dans une certaine mesure, à l’avènement d’un temps nouveau, plus lumineux et plus heureux.
Qu’est-ce que Delta de Maya
Delta de Maya est un projet qui veut inciter à l’aventure de la connaissance et plus précisément à la découverte du profond patrimoine culturel latent sur les territoires de son champ d’action.
En quatre endroits, Delta de Maya mettra progressivement en marche des activités destinées à étudier et à transmettre, au-delà d’une description conventionnelle, l’héritage qui y est thésaurisé pour le futur de l’Europe et du Monde, suggérant en même temps des stratégies de développement en fonction du savoir déployé.
À Delta de Maya, nous concevons que l’art de l’étude, la fièvre de la sensibilité et la capacité d’aventure constituent les attributs essentiels qui définissent l’être humain engagé dans l’évolution intégrale de la conscience, seule voie capable de favoriser l’avènement d’une vie plus épanouie pour soi et pour le monde.
Delta de Maya cherche à accomplir ces objectifs en s’appuyant sur la science, l’art, la culture, la métropole, la littérature et finalement la mystique.
Delta de Maya plonge ses racines dans un ancien projet social qui fut, il y a très longtemps, partiellement interrompu par l’implantation et le développement du modèle patriarcal olympique, aujourd’hui en déclin.
Pourquoi “Delta”
Le mot delta évoque, avec la forme triangulaire, un riche panaché de connotations, en rapport avec le principe du féminin, qui résonnent à l’entendre prononcer.
On raconte que ce sont les géographes grecs qui l’utilisèrent pour la première fois pour représenter les étendues que forment les fleuves quand ils s’ouvrent et mélangent leurs eaux douces avec les eaux de mer. Il semblerait qu’en parcourant les méandres du Nil, Strabon commenta que ce paysage humide et fertile avait la forme de la lettre « delta », notre D qui, en grec, est un triangle avec le sommet vers le haut : ∆. Bien avant eux, cependant, les cultures matriarcales palustres qui plantaient les pilotis de leurs palafittes dans les deltas des grands fleuves, comme les Tartessiens dans le delta du Guadalquivir ou les Ibères dans le delta du fleuve Ibère ou Èbre (Ebro), représentaient de la même manière le son « dou » ou « tou », en croisant parfois le triangle d’un petit trait vertical, rappelant clairement la forme du pubis féminin que certains appellent encore aujourd’hui Delta de Vénus. De même, la forme dans laquelle fréquemment s’inscrivent aujourd’hui encore certaines des représentations de la déesse, comme c’est le cas de la Vierge d’El Rocío, est également triangulaire.
Pourquoi “Maya”
Quant à Maya, nous trouvons significatif le fait que Mai et Maya (ou Maïa) soient à l’origine du mot « magie », en relation avec l’éternelle et insondable faculté d’engendrer la vie, avec la fertilité dans son sens le plus large et donc – pour ne rien citer d’autre – avec la révolution que représenta l’ingéniosité de l’agriculture, la culture de la terre, de laquelle nous vivons encore sur cette planète.
La référence à Maya est capitale. Hermès, celui qui révèle les arcanes, dieu de l’air, des frontières et de la mort, était le fils de la déesse Maya, qui donna son nom au mois de Mai. En Inde, le voile de Mâyâ symbolise les couches successives avec lesquelles L’Absolu se couvre d’apparences pour permettre la perception des sens. Et, soit dit en passant, ne s’appelle-t-elle pas également Mâyâ la mère de celui qui sut lever ces voiles, Gautama, le Bouddha ?
Avec la déesse, tout comme avec le delta, nous retrouvons également le ternaire car sa manifestation est toujours triple, aussi bien dans les mythologies et les religions que dans l’histoire. Nous pourrions citer Lakshmî, Kâlî et Sarasvatî en Inde ou Perséphone, Déméter et Hécate dans l’ancienne Méditerranée. Ce même mythe réapparaît dans la Méditerranée occidentale à l’époque de Piscis, sous la forme des Saintes Maries de la Mer, les trois Maries.
Un autre des nombreux noms de la déesse mère dans la mythologie universelle est Dana ou Ana qui, en tant que triple déesse, était connue dans le bas Guadalquivir comme Triana, nom que conserva un vieux quartier sévillan. Et la confrérie de Triana est précisément l’une des plus anciennes confréries faisant le pèlerinage jusqu’aux rivages de “La Madre”, sur les terres de Doña Ana.
Contexte géographique
Par-delà les frontières, ces lignes que nous avons tracées et effacées pour “établer” ou libérer des États, des territoires et des privilèges, l’érudit découvre sur la surface de la terre un autre type de tracés subtils, bien différents, par lesquels passent les énergies résultant de la rencontre du tellurique et du cosmique. Considérant que le plus élémentaire des réseaux est formé de réticules triangulaires, nous trouvons, sur cette portion de la géométrie “mayique” terrestre que depuis des millénaires l’Eurasie appelle l’Occident, trois régions manifestement germinales de notre Europe, trois régions qui, en les unissant, configurent l’un des triangles primordiaux de ce réseau, embrassant une bonne partie de la Méditerranée occidentale et sa très importante connexion atlantique.
Trois régions, plus une quatrième indiquée par son centre, qui relient trois pays et possèdent de surprenantes et profondes similarités : la Camargue en France, la Sicile en Italie, et les marais du Guadalquivir et Minorque en Espagne.
Dans chacune de ces quatre régions, il existe un point beaucoup plus précis encore, présentant une importance particulière. Ces quatre points sont de véritables foyers radieux qui configurent conjointement les sommets et le centre du triangle géographique de Delta de Maya. Aux sommets, nous avons les Saintes-Maries-de-la-Mer, Tindari et Villamanrique de la Condesa. Quant au centre du triangle, le quatrième point de notre delta, il coïncide avec le point le plus élevé de l’île de Minorque, le mont Toro, appartenant à la commune d’Es Mercadal. Ce sont des points qui sont restés, au cours de l’histoire, dans une mystérieuse syntonie et qui continueront de vibrer entre eux très certainement au cours des siècles à venir.
Il suffira d’esquisser certaines données à propos de ces endroits pour comprendre les liens puissants qui, dès le départ et rien qu’à première vue, unissent ces quatre endroits :
- Les quatre régions sont associées à des espaces naturels protégés, en particulier des zones humides.
Le Parc national de Doñana, le Parc naturel régional de Camargue, le Parc naturel de s’Albufera d’Es Grau, repris dans la liste de la Convention de RAMSAR ou les Laghetti di Marinello. La protection de l’île de Minorque est très particulière. Elle fut en effet, le 7 octobre 1993, déclarée dans sa totalité Réserve de la Biosphère par le Comité international de l’UNESCO.
- Les parcs de Doñana et de Camargue et leurs communes de Villamanrique et Saintes-Maries-de-la-Mer sont jumelés depuis l’an 2000.
Autrement dit, les deux régions se sont rapprochées avant que n’existe un projet spécifique comme celui de Delta de Maya.
- À Villamanrique, tout comme aux Saintes-Maries-de-la-Mer, l’attention est attirée par la présence de la figure de Marie-Madeleine.
Aux similitudes déjà connues entre les deux parcs, il faudrait ajouter d’autres données qui rendent encore plus flagrants ces jumelages. Par exemple, le fait, en apparence fortuit, que la patronne titulaire de l’église de Villamanrique soit Sainte Marie-Madeleine et qu’elle pourrait, en plus d’une sculpture de Pedro de Mena qui lui est consacrée, conserver de manière camouflée une relique de cette sainte, tandis que dans le village jumelé à l’embouchure du Rhône, diverses légendes fondées semblent indiquer que cette sainte pourrait être enterrée dans la crypte de l’église médiévale du village.
- Dans les quatre, il existe d’importants cultes à des images de Vierges.
Trois d’entre elles sont des Vierges Noires et la quatrième, celle d’El Rocío, est occultée sous une apparence très postérieure à la création de la taille originale, peut-être également basanée. Ces très importants lieux de pèlerinage présentent des rituels similaires qui sont en réalité des manifestations de l’ancien culte au principe féminin, à Aphrodite, Astarté, Isis ou Maya.
- Tous les quatre se trouvent ou se trouvèrent près de la mer, deux d’entre eux à l’embouchure de grands fleuves.
En des temps très reculés (nous parlons de l’ère des Gémeaux, de 6000 à 4000 avant J.-C.), les deltas des grands fleuves furent de véritables foyers de civilisations. C’étaient de grandes zones humides peuplées d’oiseaux aquatiques, des endroits caractérisés par une culture matriarcale et un habitat palustre, qui furent si déterminants dans l’histoire de l’humanité qu’ils laissèrent de nombreuses empreintes linguistiques dont nous pouvons aujourd’hui encore suivre la trace. Ainsi, mentionnant la région de Doñana, Gérard de Sède dit, dans Le Trésor Cathare, la chose suivante :
«“Peuple canard” était le surnom donné par les anciens aux Tartessiens (et aux Phéniciens). Ceux-ci avaient d’ailleurs pris comme emblème une patte de palmipède, symbole de la rame. Près de Tartessos, un fleuve portait le nom latin de “canard” ».
Ce fleuve au nom de canard était l’Anas, aujourd’hui Guadiana. Le latin anas-anatis a donné le mot « anatidés » en français ou encore « ánade » (canard), en espagnol. Ce même « anas » vient probablement d’un autre mot qui lui est antérieur. En effet, « ana » signifie « courant d’eau » et évoque donc les endroits consacrés à la déesse Ana (la Doña Ana), des endroits où l’eau abonde. Ainsi, à Minorque nous trouvons un endroit appelé « Cala Galdana » dont le nom dérive du mot arabe « Guad-al-Ana » (le fleuve d’Ana), alors qu’avant la domination islamique toute cette région faisait partie de la vaste possession de Santa Ana (Sainte Anne). De ces peuples canard dont parle Gérard de Sède, nous avons conservé au cours de tous ces siècles le symbole de la patte d’oie. C’est cette patte d’oie qui donne son nom à la Reine Pédauque que vénérèrent les Ligures gaulois et qui se conserva dans la tradition narrative médiévale à travers les Contes de ma mère l’Oye. C’est cette même patte d’oie qui se manifeste dans les mots Languedoc ou Occitanie, le territoire de la langue où « oie » se dit « oc » (auc/auca en occitan), alors que dans le reste de la Gaule, on dit « oie ». Pensez combien devait être importants pour eux l’oie, l’Oc/l’Auc, si ce mot est devenu le trait différenciatif de la langue, du territoire, du destin d’un peuple. Ces peuples des marais et de marins vivaient dans des maisons sur pilotis et notre attention est attirée par le fait qu’à Doñana tout comme en Camargue, l’architecture a toujours été dominée par les cabanes de joncs ou de laîches, de bois et d’argile, dont l’ancienneté est inconnue.
Peut-être proviennent-elles des très anciens palafittes, habitats lacustres parfaitement adaptés à la vie dans l’environnement des marais des deltas sablonneux des fleuves. La patte d’oie renvoie également aux palus (marais), aux palurdos (terme espagnol), anciennement les habitants des marais (en français nous avons les palourdes qui évoquent un même type de milieu). Il faut savoir que « urd » en ibère et dans certains dialectes basques signifie eau, courant d’eau, eaux courantes, eaux vives non croupissantes. Dans la section « Publications » de ce portail, nous vous proposerons des documents qui illustreront ces concepts historiques et bien d’autres concepts analogues. Il est clair que tout ça a à voir avec l’humidité, le féminin, le Yin, avec le réceptif et l’enveloppant, avec le donnant et le lactaire ; en fin de compte avec le delta que ce soit celui d’un fleuve, de Vénus ou de Maya.
- Les quatre points signalés de notre triangle ont été historiquement et mythologiquement structurants d’une partie fondamentale de la période formative de l’Europe telle que le fut la thalassocratie méditerranéenne qui suivit la domination des Ligures.
Nous savons que l’île de Minorque, au cours d’une très longue période, figura comme un port inaccessible sur les cartes de navigation des marins méditerranéens. Personne ne pouvait atteindre ses côtes, ou presque personne. Mais il ne faut pas interpréter pour autant qu’elle était inconnue des marins. Avec ses plus de 350 villes sacrées, elle constituait le plus important centre de formation sacerdotal en Occident et seuls les initiés pouvaient y accéder. Il existe sur l’île des milliers de monuments historiques impressionnants qui justifient et expliquent ce mystère apparent : les talayots, les taulas et les navettes.
- Dans les quatre régions, il existe une relation profonde et ancestrale avec le cheval.
Les chevaux camarguais, montés par la mythique Nation Gardiane, sont bien connus. Et ne parlons pas de la région de Doñana et particulièrement d’El Rocío, avec ses juments rocinas ou encebras et acebrones, ou des traditions comme “la saca de las yeguas” (la sortie des juments) très enracinées populairement. Et que dire de l’école équestre et de la feria du cheval de Jerez ? En ce qui concerne Tindari, en Sicile, nous nous contenterons de cette citation de la page Web du parc naturel voisin de Tindari : « Il Parco dei Nebrodi ospita la più antica razza equina europea creata dall’uomo ». À Minorque, au cours des très singulières fêtes patronales d’Es Mercadal, le cheval faisant le “bot” (se cabrant) est le protagoniste absolu des rues de la ville remplies de natifs et de visiteurs. Le mythe de Chiron, le centaure, maître de héros (protocavalier symbolisé par la fameuse représentation, mi-homme, mi-cheval), est à l’origine de cette atavique passion équestre ; c’est le Kyrios, dénomination du principe masculin dans la protohistorique époque matriarcale, associé aux légendes de Gargor, roi des Curètes tartessiens.
- Dans les quatre endroits, il existe une relation mythique au taureau.
Dans certains cas, associée même au religieux : le premier dimanche de mai, c’est le fête de la Mare de Deu del Toro, patronne de Minorque, représentée avec un taureau à ses pieds.
Il n’est pas étonnant qu’on ait rencontré des représentations de taureau dans le contexte de la culture talayotique, par exemple une tête de taureau à Torralba d’en Salort ou des cornes de bronze dans la Cova dels Colomns. Nous retrouvons également, comme symbole, les cornes de taureau coiffant les cabanes traditionnelles de gardians à Saintes-Maries. La Sicile fut anciennement une grande exportatrice de taureaux. Le souvenir en est conservé, par exemple, dans le propre nom de l’actuelle Taormine, qui signifie mont du taureau, une ville importante, proche de Tindari. Pour le reste, la lidia du taureau bravo, plus connue mais pas moins ancestrale pour autant, survit aujourd’hui encore avec une admirable vitalité aussi bien en Ibérie que dans le sud de la France. Il est significatif que Zeus se transforma en taureau pour enlever Europe et qu’Hercules, dans l’un de ses sept travaux, vola ses célèbres bœufs à Géryon d’Erytheia (anciennement les îles Hespérides dans le delta du Guadalquivir).
Pour conclure
Delta de Maya constate que la façon dont sont gérés les espaces naturels protégés en général depuis l’émergence du concept de parc national se base presque exclusivement sur la mise en valeur du regard scientifique sur le milieu biophysique, engendrant ainsi dans la plupart des cas et de manière subsidiaire, une dynamique d’appauvrissement de la réalité patrimoniale perceptible depuis d’autres instances de pensée. En définitive, un appauvrissement de la culture, dont le regard scientifique fait lui-même partie, mais qui constitue une réalité qui, comme nous avons pu le constater en un coup d’œil, dépasse de loin le cadre de cette perspective particulière.
Par conséquent, Delta de Maya a mis en marche son projet de convocation sociale pour partir à l’aventure de la connaissance du patrimoine culturel intégral latent dans ces territoires objets de protection, comprenant que la découverte de cet héritage doit être un outil fondamental pour le développement des sociétés habitant ces régions.
Mures, 1 janvier 2015