Lumière de Lucena

L’article de cette semaine présente l’étonnant monastère de la Lumière du village de Lucena del Puerto (province de Huelva) et certains de ses mystères, afin que de plus en plus de personnes sachent que cette petite localité de Huelva existe et qu’elle possède un intérêt certain.

Lumière de Lucena

Taid Rodriguez
Novembre 2015

Les lignes suivantes constituent une étonnante présentation de l’un des joyaux de la province de Huelva (Espagne) : le monastère de la Lumière (monasterio de la Luz) à Lucena del Puerto. Un joyau oublié, délaissé, méconnu et pas facile à visiter.

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Église du monastère. http://pixgallarehd.com/monasterio+de+la+luz+lucena+del+puerto?image=67

Il y a des époques historiques qui, comme certains états d’âmes, manquent d’un certain type de lumière, des époques et des états qui ont besoin de certains types de lumière. J’aimerais trouver, à notre époque, de ces rafales de lumière comme celle que j’ai vue à Lucena del Puerto. Je ne parle pas de la lumière du soleil, de la lumière du « voir », je me réfère plutôt à un type de lumière associée aux souvenirs, à d’anciennes mémoires d’états et d’attitudes face à vie ; anciennes, mais toujours vivantes. Je me réfère à un type de lumière associée aux mots, aux sons, « lumière de Verbe ».

Je me souviens de ma perplexité la première fois que quelqu’un m’a fait remarquer que la Genèse parle très clairement de ces deux types de lumière. Elle dit bien clairement que Dieu créa la lumière et, après seulement, deux ou trois jours plus tard (dix ou douze versets plus loin), il créa les luminaires du ciel, dont deux luminaires pour éclairer la Terre (qui fut d’ailleurs créée avant ces deux types de lumière), l’un pour présider le jour, le Soleil, l’autre pour éclairer la nuit, la Lune. Quelle était cette lumière qui précéda toute la Création, qui précéda même le soleil et la lune ? De quelle lumière s’agit-il ?

C’était une lumière de Lucena, lumière de son, de Verbe. C’était une lumière de Vérité. Et cette lumière, dans le Cosmos et sur la Terre, autrement dit, quand elle se matérialise et prend forme, peut prendre, symboliquement parlant, deux types de forme : l’une visible, le Soleil ; l’autre obscure ou moins visible, la Lune.

J’ai senti ce type de lumière en lisant et en entendant le mot Lucena. Je l’ai senti beaucoup plus fort encore en étudiant brièvement ce qui entoure les deux localités: Lucena del Puerto, de la province de Huelva, et Lucena, de la province de Cordoue, toutes deux inexplicablement absentes l’une de l’autre. De mon point de vue – et également du point de vue d’autres historiens modernes et contemporains –, Lucena et Lucena del Puerto partagent origine et destinée. C’est comme Mazarrón et Puerto de Mazarrón, pour donner un exemple d’emplacements côtier et intérieur très ancien également. L’un est la porte d’entrée et l’autre la salle de séjour. La particularité d’avoir conservé leur nom, sans que celui-ci, étonnamment, n’eût été altéré, ni à l’époque wisigothe, ni à l’époque almoravide (où ils furent bien maltraités), ni à l’époque chrétienne, provient peut-être du fait qu’il s’agissait de communautés hébraïques ou étroitement unies à l’ibère-hébreu. Ce ne serait d’ailleurs pas étonnant, car les Hébreux sont un peuple extrêmement fidèle à ses traditions, surtout en ce qui concerne ses noms et ses textes.Une lumière de Lucena, c’est une lumière de lune, une « lumière de cène » (« cène » dans le sens de repas du soir). Et c’est celle-là qui me manque. Les Romains, récupérant cette figure de mythes antérieurs, lui donnèrent la forme et le nom de Lucine, la déesse qui aidait aux accouchements, qui aidait à donner le jour, « dar a luz » (donner à la lumière), dit-on en espagnol. Avant l’époque romaine, Lucine était sûrement le symbole de la Lune, autrement dit, de ce « deuxième arc-en-ciel » qui accompagne, comme son ombre ou son double, le Soleil, « le premier brillant arc-en-ciel », représenté au pays des Ligures par Lug ou Lugh, d’où dérive le mot « lumière ». En revanche, nous ne possédons pas actuellement de mot pour Lucine, pour nommer la lumière qui domine au moment du repas du soir.

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Vue du Cloître. http://www.iaph.es/imagenes-patrimonio-cultural-andalucia/bien.php?bi=1386&pid=16663)

Pour cette raison, le nom de Lucena semble susceptible de contenir, rien qu’en lui-même, une part de Vérité. Mais, celle-ci reste bien cachée dans le village de Lucena del Puerto. Très peu d’habitants connaissent ou ont entendu parler de cette histoire à propos du nom de leur village. Beaucoup seraient même embarrassés ou indignés si on leur parlait des racines hébraïques plus que probables de leur localité, identifiant ipso facto Hébreux et juifs et rejetant encore plus rapidement, l’idée d’une pareille association avec une telle communauté.

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Croix de la rue «Malva» (Mauve) https://twitter.com/cruzcallemalva

À Lucena del Puerto, il ne semble pas y avoir eu, du moins jusqu’à présent, d’intérêt particulier pour rechercher et réhabiliter les racines de leur propre histoire. On l’appelle « del Puerto » (du Port), mais rien dans le village n’indique qu’il y en ait jamais eu et le visiteur naïf pourrait être surpris de la raison d’un tel nom. Sur son blason, on trouve un corbeau noir, comme celui de Lugh, mais comme presque personne ne connaît cette histoire, ils disent tous que c’est celui de Saint Vincent, sans se demander si ce n’était pas avant le corbeau de quelqu’un d’autre. Il a une rue qui s’appelle « malva » (mauve) à laquelle personne n’accorderait d’importance particulière s’il ne s’y trouvait pas là une croix. Pourtant une rue portant le nom de « mauve » dans un village appelé Lucena (Lucine), probablement fondé par une communauté qui se guidait sur un calendrier lunaire, ce n’est pas une mince affaire, car la couleur mauve ou violette est précisément « la couleur » qui symbolise cette lumière particulière, cette lumière que nous avons appelée, en utilisant les mots d’autres personnes, « le deuxième arc-en-ciel » par opposition à la lumière du « premier arc-en-ciel » ou spectre de la lumière blanche, plus facilement visible. La lumière de Lucena-Lucine est le mauve.

La pourpre joue un rôle très particulier dans ce village et dans toute la région de Doñana. Mais, comme disent certains commentateurs et blogueurs, les gens de Lucena semblent, pour le moment, plus préoccupés par le prix de la fraise que par ce genre de choses.

Toutefois, ces sensations persistent, elles sont là, à moitié emprisonnées, à la recherche d’un peu d’air, à la recherche d’un peu d’espace.

Et elles réapparaissent à profusion lorsque nous nous approchons de son monastère de la Lumière presque inconnu. Rien que le nom impressionne. Mais il impressionne aussi par lui-même et par l’endroit où il se trouve. Et de nouveau, c’est curieux, dans le village, rien, aucun panneau, aucun rappel, aucune mention spéciale. On peut passer tranquillement par là et ne pas savoir qu’un monastère aussi surprenant se trouve à deux cents mètres du village. Ou pire, on peut aller là-bas expressément pour voir le monastère et ne pas le trouver (je peux en témoigner). Tout est comme passé sous silence, neutralisé. Il faudrait la lumière de Lucine. [1]

[1] Ici, l’auteur fait suivre son apport personnel sur le sujet d’un texte issu du Bulletin officiel de la Junta de Andalucía qui décrit les lieux et apporte diverses données historiques. Nous renvoyons les lecteurs désireux d’obtenir cette information à l’article en espagnol dudit auteur : Luz de Lucena.

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